Généalogies du mondial (2017-2018)Columbia Global Center, Paris

Du 17 novembre 2017 au 15 juin 2018

Le séminaire s’attache aux rapports historiques de domination culturelle et épistémologique qui ont structuré le système colonial européen, et à leurs transformations dans la politique des savoirs des rapports Nord-Sud propres aux stades successifs de la mondialisation postcoloniale, jusqu’à l’extrême contemporain dans les situations universitaires et les pratiques de savoir internationales.

Pour étudier les dynamiques fines du géo-politique qui traversent l’histoire des discours, le travail prend pour optique une poétique des savoirs, et cherche à faire jouer à plein les opérateurs critiques que sont la spécificité complexe des situations d’énonciation, la diversité des langues, et la traduction. Dans cette visée, le séminaire travaille de manière systématiquement interdisciplinaire, internationale, et comparatiste ; il s’intéresse à tous les décloisonnements scientifiques et aux pratiques transculturelles de la théorie critique.

Le dernier cycle du séminaire « Diversité des langues et poétique de l’histoire », dont « Généalogies du mondial » prend la relève, était consacré à la mise en comparaison des pensées de la postcolonialité, à partir d’une relecture des Postcolonial Studies, et par la confrontation, théorique et idéologique, du « postcolonial » à la dimension du trans-colonial. L’histoire du colonialisme moderne était réinterrogée par celle des rapports traversiers entre systèmes coloniaux européens concurrents, et l’histoire conceptuelle des tropes de la domination épistémique était reproblématisée par l’écoute du dissensus entre ses traditions discursives singulières dans les langues européennes vectrices de colonisation. L’amorce critique était donnée à l’interface historiquement délicate entre anglophonie et francophonie, en faisant de la réception problématique des Postcolonial Studies en France le point de départ de la réflexion. (Voir le volume publié en fin de cycle : Le Postcolonial comparé : anglophonie, francophonie, PUV, 2015.) L’enjeu était donc aussi de savoir ce qui se joue, scientifiquement et politiquement, dans cet accroc à la bonne « circulation internationale des idées », et dans tous les malentendus qui jalonnent le passage entre les langues – qu’ils agissent comme censure ou comme transcréation conceptuelle.

Dans le sillage des thématiques précédentes (le comparatisme littéraire, la traduction et les traductologies, l’idéologème « société de la connaissance » et la relation philologique entre vocabulaire et institution), le cycle 2014-2018 poursuit ce travail de critique comparatiste des pensées du rapport de différence culturelle, en prenant cette fois pour objet les concepts du mondial. Ce sont les situations d’énonciation de ces concepts dans les disciplines et dans les langues qui nous intéresseront, en tant qu’elles sont déterminées dans l’interaction critique avec l’ordre de la Mondialisation : en tant qu’elles dessinent, par là, les contours d’un nouvel état du rapport entre savoir et pouvoir.

Dans leur analyse généalogique des configurations contemporaines du pouvoir, les Postcolonial Studies ont construit depuis le début des années 1980 des outils qui ont rapidement démontré leur capacité à penser aussi les dimensions discursives des processus de mondialisation. Leur impact théorique s’inscrit progressivement sur l’ensemble des sciences humaines et sociales anglophones au cours des décennies où l’euphorie des décolonisations a déjà tourné en désarroi postcolonial, et se double du retour en force du libéralisme. Et dès le milieu des années 1990, elles commencent à exercer leur sensibilité aux conditions d’énonciation du savoir pour capter les premiers assemblages d’une nouvelle idéologie cognitive et géoculturelle, mais aussi pour reconnaître les continuités entre les phases du capitalisme colonialiste et la mutation « postindustrielle » du système économique mondial, dans ses poussées transnationales inédites.

Cette finesse analytique, puisée dans l’attention aux stratégies énonciatives des œuvres littéraires et à la poétique du discours, constitue un acquis indispensable pour travailler à articuler les effets hégémoniques actuels de la Mondialisation – contre les tentations de globalisation conceptuelle, y compris dans l’effort critique lui-même. Avec cette attention aux inscriptions matérielles du pouvoir dans le discours, il s’agit d’identifier des points critiques où les savoirs sur le mondial se nouent actuellement à la mondialisation des savoirs, c’est-à-dire où se négocient âprement de nouvelles distributions de l’équilibre hégémonique ; en particulier dans la mise en concurrence du scientifique avec « l’information » et « la connaissance », nouveaux modèles du travail intellectuel.

En partant cette fois d’une lecture des discours qui se sont mis en réseau discursif mobile sous l’appellation lâche de Global Studies, le séminaire veut mettre en regard les propositions des disciplines qui construisent ou reconstruisent actuellement des concepts du mondial avec leurs conditions discursives dans l’université en cours de mondialisation ; c’est-à-dire aussi sur l’horizon, géopolitiquement et linguistiquement différencié, de la société de la connaissance. Il cherchera à comprendre, par l’étude des termes dans lesquels continue à se faire le « tournant mondial » dans les études postcoloniales, et dans des pans entiers des sciences de la culture (économie et politologie, relations internationales, géographie humaine, anthropologie et sociologie, histoire mondiale et histoire connectée, world literature, et les multiples traverses disciplinaires et traveling theories essayées pour saisir le transnational), ce qui fait le caractère inédit des sciences de la Mondialisation : des sciences qui, au moment où elles se reconfigurent pour penser la Mondialisation, se trouvent aussi pensées par elle.

Les étapes du séminaire chercheront à explorer les différents plans de la différenciation (analytique) des mondialisations, de l’invention (poétique) de mondialités, et des projections (politiques et activistes) de contre-mondialités, qui constituent ensemble l’espace critique de ces luttes énonciatives. Ici, les moyens critiques qui sont fournis par les frayages littéraires et par le jeu de la différence des langues seront remis à l’épreuve. Car si les processus de mondialisation contemporains exigent de repenser fondamentalement les modèles théoriques du rapport entre culture et politique, libéraux comme marxistes, qui sont pris en défaut par les désarticulations de l’Etat-nation et les captations capitalistes du culturel, il faudra descendre généalogiquement jusqu’à la radicalité de l’historicité du discours : au vif de la transaction matérielle entre sens et organisation sociale, où se renouent à chaque instant les modalités spécifiques des différentiels de pouvoir.

Pour continuer à théoriser la culturalité du pouvoir, on pourra donc commencer en introduisant le simple coin de la différence des langues, en posant aux Global Studies la question de tout ce qui se glisse d’enjeux critiques par exemple dans la distinction, mise en relief en français, entre mondial et global.

La nouveauté de cette 3e année est le démarrage du cycle "Mondialités islamiques : interfaces anglophones et francophones", inauguré au printemps 2017, coorganisé par Claire Gallien (Université Paul Valéry-Montpellier III/IRLC) et Claire Joubert (Paris 8/TransCrit). Ses travaux commenceront au début 2018.

 

Organisation

TransCrit (EA 1569 - Transferts critiques anglophones), Axe "La fabrique du contemporain" (EA 7322, Littérature, Histoire, Esthétiques, Université Paris 8) et le Columbia Global Center in Paris (MA in HIstory and LIterature).

 

Comité scientifique

  • Maria-Benedita Basto,
  • Jaine Chemmachery,
  • Claire Joubert,
  • Stavroula Katsiki,
  • Hélène Quiniou,
  • Lionel Ruffel,
  • Clemens Zobel.

 

Programme 2017-2018

 

vendredi 6 octobre 2017

18h-21h, salle 316 : 

  • Clemens ZOBEL(anthropologie/sciences politiques, Paris 8 / LabTop CRESPPA) :  Les politiques néolibérales peuvent-elles créer des communs transnationaux ?

 

vendredi 17 novembre 2017

18h-21h, salle 316 : 

  • Stéphane DUFOIX (Paris Nanterre / Sophiapol) : Sociologie internationale, globale, ou mondiale ? Retour sur un parcours d’enquête

Stéphane Dufoix est professeur de sociologie à l’Université Paris-Nanterre (laboratoire Sophiapol) et enseignant à Sciences-Po Paris. Sa recherche porte sur l’histoire des concepts et la sociologie historique des sciences sociales. Il est responsable au Collège d’études mondiales du Séminaire de sociologie mondialisée.

Parmi ses publications récentes : Le Tournant global des sciences sociales, dirigé avec Alain Caillé (Paris, La Découverte, 2013) ; La Dispersion. Une histoire des usages du mot diaspora (Paris, Éditions Amsterdam, 2012). Il dirige depuis 1981 avec Eric Macé (Université de Bordeaux) une équipe internationale de sociologie autour des perspectives d’une sociologie mondiale. Il prépare actuellement un Manuel d’introduction aux études globales (avec Vincenzo Cicchelli) et un essai sur la sociologie mondiale.

 

vendredi 8 décembre 2017

18h-21h, salle 316 : 

  • Naji EL KHATIB (Institut Medfil), Béatrice RETTIG (Doctorante, Philosophie/LLCP-Paris 8), Valentin SCHAEPELYNCK (MCF Sciences de l’éducation/ Experice Paris 8), Engin SUSTAM (MCF invité, Sciences de l’éducation/ Experice Paris 8) : "Istanbul, Qamishlo, Haïfa, Saint-Denis, etc. : cartographies d’une enquête collective"

 

vendredi 26 janvier 2018

  •  Geoffrey PLEYERS (sociologue, FNRC, Université Catholique de Louvain). Programme à confirmer prochainement.

Co-directeur du volume Open Movements. For a global and public sociology of social movements, directeur de nombreux numéros spéciaux dont Mouvements sociaux. Quand le sujet devient acteur (Editions de la MSH), et auteur de Alter-globalization. Becoming Actors in the Global Age (Cambridge : Polity). 

 

vendredi 9 février 2018 : Mondialités islamiques #1

  • Thomas BRISSON (sociologie, Paris 8/CRESPPA). Titre précisé prochainement

 Auteur de Les Intellectuels arabes en France (La Dispute, 2008)

 

vendredi 16 mars 2018 : Mondialités islamiques #2

programmation en cours

 

vendredi 13 avril 2018 : Mondialités islamiques #3

  • Anna-Louise MILNE (littérature française, francophone et comparée, University of London Institute in Paris). Titre précisé prochainement

Créatrice du Paris Centre for Migrant Writing and Expression et organisatrice du programme "Cultures plurielles / Espaces pluriels : perspectives franco-britanniques sur l’Institut des Cultures d’Islam à Paris".

 

vendredi 30 mars 2018 

  • Silvia CONTARINI (littérature italienne, Paris Nanterre, EA Etudes romanes). "Italie : du Sud du Nord au Nord du Sud"

(Co)directrice entre autres des volumes Coloniale e postcoloniale nella letteratura italiana degli anni 2000 (2012), La letteratura italiana al tempo della globalizzazione (2014), Interprétations postcoloniales et mondialisation. Littératures de langues allemande, anglaise, espagnole, française, italienne et portugaise (2014) et L’Italian Theory existe-t-elle ? (2015)

 

samedi 5 mai 2018 Mondialités islamiques #4

journée d’étude à l’Université Paul Valéry – Montpellier III : "Lectures de la charia : de l’orientalisme au décolonial"

 

vendredi 25 mai 2018

à préciser

 

vendredi 15 juin 2018 : Mondialités islamiques #5

séminaire / table ronde, programmation en cours.

 

 

Toutes les séances sont ouverte librement à tous.

 

 

Informations utiles 

Columbia Global Center

Reid Hall, 4 rue de Chevreuse  

Paris, France (75006)

 

contact : 

Claire Joubert. Courriel : claire [dot] joubert [at] univ-paris8 [dot] fr

Claire Gallien. Courriel : claire [dot] gallien [at] univ-montp3 [dot] fr

 

En savoir plus 

Site du séminaire 

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